Les 100 ans de la Banque Delubac & Cie – Episode 4
Pour célébrer les 100 ans de sa création, la Banque Delubac & Cie lance une fresque inédite en 6 épisodes de 1924 à demain, entremêlant les évènements de la construction de l’établissement au cœur du contexte économique, sociétal et artistique qui a émaillé le 20 et 21e siècle.
Garder le cap de l’indépendance par temps de grandes transformations économiques et de reconfigurations bancaires
En 1924, lorsque Maurice Delubac a créé sa banque, la télévision s’apprêtait à connaître ses balbutiements. Traverser l’Atlantique en avion, personne n’y était encore parvenu. Les ordinateurs n’existaient pas, l’intelligence artificielle encore moins. A sa mort, en 1976, la micro-informatique s’affirme, Apple naît, Microsoft souffle sa première bougie, le Concorde relie les continents, la gymnaste Nadia Comaneci illumine de sa virtuosité aérienne les Jeux olympiques de Montréal.
Quel chemin parcouru ! La banque Delubac a franchi le seuil symbolique d’un demi-siècle et surmonté, contre vents de la spéculation et marées des crises, certaines des épreuves les plus tumultueuses du XXe siècle.
Jean Samuel et Josette Samuel Delubac – Photothèque Banque Delubac & Cie
A la barre : un Ardéchois avisé, avec un sens aigu de l’innovation, épaulé depuis le début des années 1960 par un « copilote » expert, en qui il a pu placer toute sa confiance : son gendre.
La disparition du fondateur coïncide avec la fin d’une époque. Finies, les Trente Glorieuses, avec leur plein-emploi, leurs taux de croissance entraînants. En France comme dans le monde anglo-saxon, les années 1980 et 1990 sont propices à des réformes sociales de grande ampleur. Elles vont faire souffler un vent de libéralisme très porteur pour les marchés et la « nouvelle économie »… et provoquer des tempêtes comme le krach boursier d’octobre 87 ou la crise économique asiatique à la fin de la décennie suivante.
C’est aussi une période de grandes espérances collectives avec la chute du Mur de Berlin, les avancées de la construction européenne avec l’adoption de la monnaie unique, la création de l’espace Schengen, le programme Erasmus…
Chute du mur de Berlin. Porte de Brandebourg, 10 novembre 1989.
C.T. Fotostudio / Ullstein Bild / Roger-Viollet
Et que d’innovations technologiques ! Voici le TGV, le minitel, internet, le boom des ordinateurs personnels, la commercialisation des assistants de navigation grand public (GPS), l’essor des thérapies géniques et de l’imagerie médicale. Bientôt, de la nuée des nouvelles start-up, surgissent Amazon (fondé en 1994) et Google (1998). L’art de bâtir connaît de grandes heures avec la pyramide du Louvre, la Grande Arche, la Grande Bibliothèque. Basquiat, Haring, Christo, Jean-Paul Goude, puis la « French Touch » mettent le feu à la scène artistique.
Face à tous ces bouleversements, Jean Samuel et son épouse Josette sont sur la même ligne, à la fois innovante et prudente. On est loin, au Cheylard, de la démesure du film Wall Street d’Oliver Stone de 1987.
Une décennie de consolidation dans un monde bancaire en pleine mutation
Il n’empêche : le monde de la banque change à vive allure. Les années 80 inaugurent une époque inédite. Ponctuée en France par des nationalisations. Suivies de près par un mouvement de dérèglementation, puis par des privatisations massives.
Loi bancaire de 1984, désencadrement du crédit, informatisation des établissements, ouverture internationale des marchés, informatisation des bourses : une ère nouvelle est en germe.
La banque Delubac le sait et s’y adapte. Jean-Michel Samuel-Delubac, le fils de Jean et de Josette, les rejoint en 1980, après des études à Grenoble et à Paris. Vingt ans tout juste après son père, revenu au Cheylard en 1960. L’heure est arrivée pour la troisième génération de prendre part à l’aventure. Dans le respect des racines de la banque, de son « ADN » et de sa vision du métier conjuguant proximité et fidélité.
Elle reçoit alors plusieurs offres de rachat. Les grands réseaux la courtisent. Elle ignore ces prétendants, attachée à son indépendance et à son esprit familial.
Le Cheylard fin des années 90. Photothèque Banque Delubac & Cie
La famille Samuel-Delubac souhaite pourtant étendre son rayon d’action. Mais où aller ? Valence est proche mais déjà très financiarisé. Lyon est très fermé…
Le tournant de l’année 1988
Ce sera Paris.
Une rencontre précieuse va décider de l’avenir de la banque.
Serge Bialkiewicz est un banquier réputé qui, après avoir démarré sa carrière au sein du groupe Lazard, a dirigé plusieurs banques et une compagnie d’assurance et s’est forgé une très solide expérience du crédit-bail immobilier et plus généralement de l’institution bancaire.
Jean Samuel le côtoie de longue date dans des réunions professionnelles. Son confrère lui fait part de son souhait de s’associer à une banque et de la développer. L’entente est immédiate.
Ils décident de s’associer. Nous sommes en 1988. Le capital de la banque passe de 3 millions de francs à 30 millions et prend ses quartiers boulevard Haussmann, l’année même où Alain Souchon chante « Ca s’passe boul’vard Haussmann à cinq heures ». Nouveaux associés, nouveau site, nouvel élan capitalistique : toutes les conditions sont réunies pour se développer, s’étendre, se diversifier, tout en restant fidèle à son ancrage stratégique.
Boulevard Haussmann – Photothèque Banque Delubac & Cie
Des spécialisations stratégiques au cours de la décennie 1990
L’avenir de la banque passe également par une spécialisation de ses activités, conduite à l’initiative de Serge Bialkiewicz, en plein accord avec la famille Samuel-Delubac.
La banque s’est engagée dans plusieurs directions avec un égal succès :
– proposer une offre de services aux entreprises en procédure collective et développer l’activité de banque judiciaire ;
– ouvrir en 1992-1993 un département de service bancaire aux administrateurs de biens et syndics de copropriété ;
– devenir une référence aussi en matière de banque d’entreprise, avec une importante clientèle de professionnels du droit et du chiffre ;
– renforcer à Paris l’activité de gestion privée proposée au Cheylard depuis l’origine.
… Sans jamais perdre de vue cette règle d’or : soigner la relation directe, la proximité, le « supplément d’âme » – cette promesse de la banque Delubac.
1984
Il n’est pas question ici du célèbre roman de George Orwell mais de la loi bancaire du 24 janvier 1984 « relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit », qui eut de grandes conséquences sur la modernisation du secteur bancaire.
Elle mit fin à la stricte spécialisation des banques sur une activité : elles purent désormais commercialiser plusieurs types de services.
Elle confia le contrôle de la profession bancaire à trois instances collégiales (comité de la réglementation bancaire, comité des établissements de crédit et commission bancaire, devenue en 2013 autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou ACPR).
La distinction entre banques de dépôt et banques d’affaires disparut. Bienvenue à la banque universelle à la française, tournée aussi bien vers les petits déposants que vers les entreprises et les marchés financiers !
Aux Etats-Unis, rappelons qu’il fallut attendre la fin du millénaire (1999) pour qu’intervienne l’abrogation du Glass Steagall Act.
Ainsi renforcée et démultipliée dans ses expertises comme dans son rayon d’action géographique et stratégique, la banque s’est réinventée sans perdre ses racines ni son âme. Comment abordera-t-elle l’entrée dans le troisième millénaire, l’explosion de la nouvelle économie, pleine de promesses mais aussi de risques, ainsi que les mutations du monde de la finance ?
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UNE AGILITÉ RENFORCÉE POUR UNE CRÉATIVITÉ DÉMULTIPLIÉE