Souvent, et à tort, associées au blanchiment et au financement du terrorisme, les cryptoactifsUn crypto-actif est un actif numérique basé sur les principes de la cryptographie. Il s’échange de pair à pair, sur un réseau décentralisé, grâce aux technologies de Distributed Ledger Technologies présentent pourtant un risque bien plus faible que des monnaies fiat (comme l’euro ou le dollar), quand les bons outils et procédures de connaissance des transactions sont mises en place. C’est la solution développée par Scorechain, l’un des pionniers du secteur, et aujourd’hui seul acteur européen à proposer un logiciel de KYT (know your transaction). Rencontre avec Pierre Gérard, cofondateur et CEO de Scorechain.
Pourquoi les cryptoactifs sont-ils régulièrement associés au blanchiment dans les médias ?
P.G. : Je pense qu’il y a une part de vérité qui était valable lorsque les cryptoactifs sont apparus. Mais depuis, les choses ont bien évolué. Le cadre réglementaire s’est mis en place. Les acteurs douteux, comme Silk Road, une plateforme de vente de drogue en ligne sur le darknet, ont été condamnés et fermés. Des cryptoactifs, trop privés, sont exclus de l’écosystème financier. Aujourd’hui, c’est plutôt sans doute la peur de l’inconnu, la difficulté à comprendre cet environnement technique, qui alimente les clichés.
Dans les faits, la blockchainLa blockchain est un type de technologie de registres distribués (distributed ledger technologies en anglais, ou DLT). Elle se présente comme une grande base de données formée de blocs, liés étant une infrastructure ouverte et publique, toutes les transactions peuvent être contrôlées et donc vérifiées. À contre-courant de ce poncif de monnaie du crime, le Bitcoin ne serait en réalité utilisé que dans 2 % des transactions criminelles [1].
Seulement 0,34 % du volume des transactions cryptos serait lié à la criminalité, soit 24 milliards de dollars (contre 600 milliards blanchis chaque année dans le système traditionnel) [2]
Vous avez développé un outil qui permet de mesurer le risque lié à une adresse publique. Pouvez-vous détailler ?
P.G. : Scorechain est une solution de KYT (know your transaction). C’est un procédé classiquement mis en place dans les institutions bancaires et financières, que nous avons élargi en l’appliquant à la blockchain. Notre logiciel analyse les adresses publiques et fournit un score de risque associé. Ce score est basé sur l’origine des cryptos associées à l’adresse, aux transactions effectuées, au niveau de vérification effectué par les plateformes d’exchangePlateforme d’échange de crypto-actifs (Binance, Kraken…) par lesquelles ces fonds ont transité, au passage par d’éventuels mixeurs, etc.
C’est une sorte d’indice de confiance qui permet à nos clients de décider, ou non, d’accepter des fonds. Bien sûr, nos clients peuvent mener en complément des investigations si nécessaire.
Prenons un exemple : une adresse publique veut transférer une somme en bitcoins, dont 99 viennent d’une plateforme reconnue, et 1 d’une plateforme suspecte. Le score de confiance sera bon, car 99 % des fonds sont « propres » mais nous serons également capables d’identifier ce 1 % qui est suspect. C’est ensuite à nos clients de décider s’ils acceptent le transfert sur la base de ces informations, selon la rigueur de leur politique de conformité. Tout l’intérêt de notre produit, c’est justement qu’il est personnalisable : on peut le paramétrer en fonction de son niveau d’exigence.
Qu’est-ce qui fait votre force ?
P.G. : Nous sommes peu nombreux à fournir ce service – entre 5 à 10 entreprises dans le monde seulement. Et nous sommes, à ce jour, le seul acteur européen à le faire. Pour sécuriser toutes nos données, que nous agrégeons depuis notre création il y a 10 ans, nous avons mis en place un cloud privé, hébergé en Europe.
Comment voyez-vous la suite ?
P.G. : Le marché se structure et se régule. Pour des raisons réglementaires, mais aussi d’usage, l’écosystème crypto se nettoie et devient de plus en plus fiable. La blockchain sera sans doute l’infrastructure de la finance mondiale de demain. Cela ne veut pas dire que les monnaies traditionnelles disparaîtront ; Linux n’a pas tué Windows. En revanche, il y a fort à parier que le système transactionnel évoluera et que tous nos paiements seront inscrits et validés sur la blockchain.
[1] Source : Capital – août 2024, [2] Source : id.