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Quelle fiscalité pour les donations en cryptoactifs ?

Équipe du Cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats

Les cryptoactifs ont creusé leur place dans l’univers de la gestion patrimoniale des Français, qui les intègrent de plus en plus dans la recherche de diversification voire dynamisation de leur capital. Mais qu’en est-il lorsqu’on veut les transmettre de son vivant ? Quelle fiscalité s’applique sur ces donations ? Quelles sont les bonnes pratiques à prendre en considération ? Floriane Dienger, avocate en droit fiscal, Arnaud Donguy, avocat en droit fiscal, et Elise Tek, avocate en droit bancaire et financier, tous trois du Cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats, lèvent le voile sur vos interrogations.

Les cryptoactifs sont des actifs financiers. A ce titre, comme toute donation de valeur (bien immobilier, argent, etc.), elles sont soumises au régime fiscal classique de la donation. C’est-à-dire que le bénéficiaire devra s’acquitter de droits de donation au moment de sa réception (étant précisé que les droits de donation peuvent être pris en charge par le donateur sans que ceux-ci ne constituent une donation complémentaire). Ils sont calculés selon le montant donné diminué des abattements déductibles suivant le lien de parenté entre les deux parties impliquées, renouvelables tous les 15 ans.

Montant de l’abattement en fonction du lien de parenté entre le donateur et le bénéficiaire, par donateur et par bénéficiaire

Enfant100 000 euros
Conjoint (époux ou partenaire de Pacs)80 724 euros
Petit-enfant31 865 euros
Frère ou sœur15 932 euros
Neveu ou nièce7 967 euros
Arrière-petit-enfant5 310 euros
Source [1]

Tarif des droits de donation applicables en ligne directe

Jusqu’à 8 072 €5 %
De 8 073 € à 12 109 €10 %
De 12 110 € à 15 932 €15 %
De 15 933 € à 552 324 €20 %
De 552 325 € à 902 838 €30 %
De 902 839 € à 1 805 677 € 40 %
Plus de 1 805 677 €  45 %
Source [2]

Tarif des droits de donation applicables entre époux ou partenaires de Pacs

Jusqu’à 8 072 €5 %
De 8 073 € à 15 932 €10 %
De 15 933 € à 31 865 €15 %
De 31 866 € à 552 324 €20 %
De 552 325 € à 902 838 €30 %
De 902 839 € à 1 805 677 €40 %
 Plus de 1 805 677 €45 %
Source [3]

[1], [2], [3] Source : Service-public.fr au 28 mars 2024, sous réserve de modification par les pouvoirs publics

Exemple concret

Un mari donne à sa femme 200 000 €.
Cette somme bénéficie d’un abattement de 80 724 €.
L’épouse devra alors payer des droits de donation sur la somme de 119 276 €, soit 21 062 €.
Il lui restera 178 938 €.

Etablir la valeur d’un don en cryptoactifs : plus délicat qu’il n’y paraît

La valeur d’un don en cryptoactifs est fixée selon la valeur de l’actif au jour de la donation. « Un point qui peut s’avérer sensible, car les cryptoactifs sont des actifs particulièrement fluctuants. Lors d’une même journée, ils peuvent afficher des cours ressemblant à de véritables montagnes russes », souligne Arnaud Donguy. Plutôt que de faire un don manuel (formulaire rempli par le donateur et transmis au service des impôts), daté seulement au jour de la donation, il est recommandé de faire horodater le don par un notaire. « De cette manière, la valeur du don sera bien plus facile à établir. On pourra la relier à une heure précise, certifiée par un tiers, et donc à un montant fixe », détaille Elise Tek. Autre option envisagée : faire le don d’un wallet à un autre en transférant effectivement les cryptoactifs (plutôt que de donner sa clé privée au bénéficiaire). « La transaction sera ainsi enregistrée sur la blockchain, et donc traçable à la minute près, ce qui permettra d’établir la valeur du don de manière irrévocable. Le mieux étant d’avoir recours à un PSAN, qui pourra apporter toutes les preuves nécessaires », complète Floriane Dienger.

Donation simple versus donation-partage : quelle est la plus adaptée pour les cryptoactifs ?

Bien choisir la forme de sa donation est indispensable, notamment pour ne pas créer de conflits au moment de la succession. En effet, par le mécanisme dit du rapport civil, certaines donations passées seront réintégrées fictivement dans le patrimoine du défunt. C’est particulièrement le cas des donations simples, étant précisé que le rapport civil prend en compte la valeur du bien donné au moment du partage de la succession (et non celle au jour de la donation). Sont en revanche exclues du rapport, les donations-partages, qui se font devant notaire ou avocat.

Exemple concret

Un père consent une donation simple à ses deux enfants : il donne à l’un 1 cryptoactif d’une valeur de 1 000 € et à l’autre un tableau d’une valeur de 1 000 €, soit au jour de la donation des montants égaux. Au jour de la succession, le bitcoin vaut 10 000 €, tandis que le tableau ne vaut plus rien car la cote de l’artiste s’est effondrée. Dans ce cas, si le défunt ne disposait plus d’aucun patrimoine à transmettre à son décès (par simplification), le premier enfant devrait reverser 5 000 € à l’autre pour rééquilibrer l’héritage. Si la donation avait été consentie dans le cadre d’une donation-partage, il n’y aurait pas eu de réajustement. Cela est aussi valable si le don était fait avec deux cryptoactifs différents : les cours n’évoluant pas identiquement, les montants donnés seront réévalués lors de la succession. « Le fait de faire horodater une donation est, dans ce cas, d’autant plus important », insiste Elise Tek.

Quid de la plus-value ?

Quand on donne un actif qui a pris de la valeur depuis l’achat, la donation purge la plus-value latente sur cet actif. « Cela signifie que la plus-value réalisée avant la donation par le détenteur de l’actif disparaît. Le bénéficiaire ne paiera ainsi d’impôt que sur la plus-value qu’il pourrait réaliser à partir de la date de la donation, explique Floriane Dienger, c’est-à-dire la différence entre le prix de cession et la valeur retenue pour la donation (voire éventuellement certains frais). »

Les dangers de l’abus de droit

Faire une donation fictive dans le seul but de purger la plus-value est un abus de droit. Donner en apparence des cryptoactifs à un proche, par exemple un enfant mineur, pour les utiliser ensuite afin de régler des dépenses personnelles du donateur est ainsi abusif. La sanction, en plus de régler l’impôt sur la plus-value et les intérêts de retard, est une majoration de 80 % de l’impôt. Les donations non déclarées sont également à éviter. « Les transactions en cryptoactifs sont de plus en plus traçables et encadrées, grâce aux procédures de KYC (know your customer) et à la réglementation qui se durcit, prévient Arnaud Donguy. Même si vous donnez votre clé privée à un proche sans aucune déclaration de donation, les services fiscaux pourront découvrir le pot aux roses lorsque le bénéficiaire utilisera les cryptoactifs, quand bien même cela arriverait bien des années après, la prescription ne débutant qu’à compter de la révélation de la donation. »

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